Après Koursk, film franco-belgo-luxembourgeois (2018) sur la tragédie du sous-marin nucléaire russe du même nom[1], Le Chant du Loup (2019) du réalisateur (et ex-diplomate) Antonin Baudry[2], permet une nouvelle fois au cinéma français de s’illustrer dans la catégorie des superproductions en milieu sous-marin, catégorie jusqu’ici monopolisée par les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne.
Le scénario du déclenchement d’une guerre nucléaire, à la suite d’une terrible méprise, permet de mettre en lumière la force de frappe française par le biais des forces sous-marines et des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) qui, de par leur nature et leur emploi, sont caractérisés par la discrétion. Ces fleurons de la Marine nationale donnent à la France la possibilité d’exécuter à tout moment une frappe nucléaire de riposte contre une puissance ennemie.
Le fait que le film soit unanimement acclamé par la critique hexagonale – habituellement si prompte à « ande Paula Beer.
Tourné avec la coopération active de la Marine nationale dans le port militaire de Toulon (la plus grtouts, il n’est pas certain que ce film permette de rendre plus aisé le recrutement de personnels prêts à passer régulièrement deux mois et demi sous la mer sans pouvoir communiquer avec leurs familles, à une époque où liberté et épicurisme sont privilégiés dans nos sociétés occidentales.
Pour Bernard Prézelin, officier de marine réserviste et auteur pendant les trois dernières décennies de la bible navale que constitue, pour la Marine nationale, l’ouvrage bisannuel intitulé Flottes de combat, véritable encyclopédie répertous les navires militaires du monde, la sortie de ce film exceptionnel est également révélatrice d’une mutation sensible dans les flottes de sous-marins qui sillonnent actuellement les océans du globe[4].
Les forces sous-marines sont en effet devenues une composante incontous – à l’exception notable du Mexique et de l’Uruguay – disposent de forces sous-marines. En Afrique, seules l’Algérie, l’Egypte et l’Afrique du sud s’en sont dotées. Par contre, au Proche et Moyen-Orient, aucune puissance – sauf Israël et l’Iran – ne dispose encore de sous-marins.
Témoignages de la remontée en puissance de la Russie, trois sous-marins de nouvelle génération (Borey) ont été déclarés opérationnels. Par ailleurs, le sous-marin nucléaire d’attaque Kazan du projet 885M Iassen est générateur d’inquiétudes pour le bloc occidental. On note aussi l’arrivée annoncée par Vladimir Poutine du drone Poseïdon, une arme anti-sous-marine surnommée « arme du jugement dernier »[5].
Mais l’objectif final du Chant du loup ne serait-il pas in fine de sensibiliser le public français au changement d’ère géostratégique que nous vivons actuellement : celui du passage de l’époque dite « de l’après-guerre froide », survenue après la chute du mur de Berlin en 1989, à une ère caractérisée par d’immenses incertitudes géopolitiques ? En février dernier, les Etats-Unis et la Russie ont annoncé leur retrait (prévu en août prochain) du Traité sur les forces nucléaires intermédiaires (FNI), c’est-à-dire les missiles sol-sol à capacité nucléaire de portée située entre 500 et 5500 kilomètres. Bientôt, ce sera le Traité Newstart sur les armements nucléaires stratégiques qui arrivera à son terme. Si vis pacem, para bellum… Dans ce contexte anxiogène, la préparation des esprits à toute éventualité géostratégique n’est plus à exclure.
[1] Ana Pouvreau, « Il faut sauver le soldat « Kursk », Causeur, 19 novembre 2018.[https://www.causeur.fr/kursk-film-russie-vinterberg-seydoux-156337]
[2] Auteur du scénario du film Quai d’Orsay (2013) de Bertrand Tavernier.
[3] https://www.defense.gouv.fr/actualites/articles/les-oreilles-d-or
[4] Entretien de Bernard Prézelin avec l’auteure le 7 mars 2019.
[5] https://fr.sputniknews.com/defense/201902121039997169-poseidon-tests-mer/