Le maître du Kremlin a rencontré Kim Jong-un ce mercredi pour signer un accord de partenariat stratégique entre les deux nations. Qu’entendent tirer la Russie et la Corée du Nord de ce rapprochement ?
Nicolas Cuoco 20/06/2024 à 11:54, Mis à jour le 23/06/2024 à 11:25
Tapis rouge pour Vladimir Poutine à la sortie de son avion présidentiel, ce mercredi 19 juin. Pour sa toute première visite officielle à Pyongyang, en 24 ans, le président russe a été accueilli avec les honneurs par le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un.
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Pour le pays asiatique en marge de la communauté internationale, l’occasion est belle de s’offrir une visibilité sur la scène internationale. Mais pas seulement : « La Russie peut apporter à la Corée du Nord ce qui lui manque. C’est-à-dire simplement de la nourriture, car ce pays a subi de nombreuses famines au cours des dernières années », explique au JDD Jean-Vincent Brisset, expert de l’Asie à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), alors que les deux pays viennent de conclure un « traité de partenariat stratégique global ».
Grande nation en matière d’agriculture, la Russie va apporter une aide alimentaire à son voisin nord-coréen et aussi lui mettre à disposition la technologie dont elle a besoin. En effet, dans un souci de modernisation, Pyongyang va bénéficier grâce à cet accord « d’un transfert de technologie dans différents secteurs comme l’automobile, la mécanique de précision ou encore les satellites », poursuit le spécialiste de l’Iris.
« La Russie va aider la Corée du Nord à développer son programme spatial »
L’espace est un domaine important aux yeux de Kim Jong-un qui avait réussi, en novembre 2022, à placer sur orbite son premier satellite espion pour l’imagerie satellitaire et l’analyse des photographies des bases militaires américaines dans le Pacifique. Ainsi, « la Russie va aider la Corée du Nord à développer son programme spatial », explique au JDD Ana Pouvreau, spécialiste des mondes russe et turc.
Besoin russe de munitions pour le front ukrainien
De son côté, le président russe Vladimir Poutine a annoncé que l’accord de partenariat stratégique signé avec la Corée du Nord constituait un pacte d’assistance mutuelle en cas d’agression.
Par cet accord, dont le contenu précis est confidentiel, Moscou souhaite également bénéficier de l’industrie de défense nord-coréenne, tandis que l’Occident accuse – déjà – Moscou et Pyongyang de coopérer dans ce domaine. « Kim Jong-un possède de grosses usines avec des capacités qu’on a tendance à sous-estimer sur le plan industriel », rappelle l’expert de l’Iris.
« Avec l’aide du Kremlin, la Corée du Nord va peut-être devenir une puissance régionale »
À titre d’exemple, pendant que les besoins en munitions sont quotidiens sur le front ukrainien, la Corée du Nord est capable de fournir des obus de différents calibres, des roquettes et des pièces détachées. « Elle arrive à produire et à fournir du matériel qui peut nous paraître dépassé, mais qui reste parfaitement efficace dans le cadre d’un combat à haute intensité », ajoute Jean-Vincent Brisset.
Au-delà de ces échanges de bons procédés, cet accord envoie un message symbolique à l’encontre du « bloc occidental », affirme l’expert de l’Iris. En effet, alors que Moscou et Pékin accusent l’Otan de rechercher l’affrontement dans la région indo-pacifique, l’axe Russie-Chine « se renforce et se consolide par le biais du partenariat stratégique entre la Russie et la Corée du Nord », détaille Ana Pouvreau. Et d’ajouter : « Avec l’aide du Kremlin, la Corée du Nord va peut-être devenir une puissance régionale et renforcer ses capacités nucléaires. Pour rappel, les États-Unis font de même en renforçant leurs liens avec leurs alliés en Asie, dont en Corée du Sud. »